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Machinisme de demain, un défi humain ! La fin des moteurs diesels est proche !

La fin des moteurs diesels ! Qu’en est-il réellement pour les machines agricoles ? Existe-t-il des alternatives ? Quelles sont les pistes travaillées par les industriels ? Nous allons tenter de faire le point sur ce changement de paradigme qui modifiera profondément l’organisation de la filière du machinisme agricole, presque autant que lors du passage des chevaux de trait à la motorisation.

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Les normes des moteurs diesels, de Stage I à Stage V, ont cadencé entre 1995 et 2021 les renouvellements de gammes de tracteurs des différents fabricants. Les investissements demandés aux motoristes ont été très importants. La position de l'Union européenne, mais aussi de Washington, sur le sujet à permis de réduire considérablement les oxydes d'azote (NOx) et les particules fines à la sortie des échappements. Et nous pouvons tous nous en féliciter.

Fin des carburants fossiles en 2035 ?

Pour essayer de limiter le réchauffement de la planète, les différents pays du monde se sont lancés dans un projet de décarbonation de l’économie. C’est dans ce contexte que tombe, fin mars 2023, la nouvelle décision de Bruxelles sur la fin des moteurs à combustion interne pour 2035. « Les véhicules équipés d'un moteur à combustion pourront être immatriculés après 2035 seulement s'ils utilisent exclusivement des carburants neutres en termes d'émissions de CO2. » Dans ce contexte, il est probable que nos chers diesels seront mis au placard d’ici une dizaine d’années, voire un peu plus si les industriels parviennent à négocier une période de transition comme celle qu’ils avaient déjà obtenue en recourant à la technique de « bunkerisation » des moteurs (un stock de moteurs mis dans un « bunker » permet de les commercialiser après la date limite, car ceux-ci sont déjà produits). Alors quelles sont les alternatives possibles ?

Motorisation électrique

La première piste concerne la motorisation électrique des engins. John Deere et son prototype de tracteur à batterie en 2017, le Sesam 1, puis sa version autonome en 2022, le Sesam 2, ou encore son GridCon, en 2018, avec câble et enrouleur en sont de bons exemples. Fendt vient quant à lui de communiquer sur la mise en place d’une ligne de production spécifique pour son modèle e100 dans son usine de Marktoberdorf (Allemagne) dès 2024. JCB, de son côté, a annoncé ses premiers modèles électriques dès 2018 et avoir mis en marché plus de 1 000 véhicules en France. New Holland, pour sa part, travaille avec Monarch sur des tracteurs à batterie. Julien Painaud, enfin, coordinateur agriculture au marketing de TotalEnergies France, a indiqué que son entreprise avait déjà démarré l'évolution de son modèle économique. TotalEnergies, producteur et distributeur de carburants fossiles, s'oriente vers une production majoritaire d'électricité à l'horizon 2050. Si les industriels et les vendeurs d’énergies poussent vers l’électrique, c’est que cette énergie a de nombreux avantages. Néanmoins, la plupart d’entre eux s’accordent à dire que l’électricité est bien adaptée aux petites puissances pour des autonomies de quelques heures par jour. Pour les fortes puissances, les technologies ne sont pas encore matures.

Ce prototype de tracteur électrique GridCon imaginé par John Deere fonctionne à l’image d’une tondeuse électrique grâce à un enrouleur emmagasinant un long câble. ( © John Deere)

 

L’hydrogène comme source d’énergie

L’hydrogène est la molécule la plus répandue dans l’univers. Si l'utiliser pour produire de l'énergie semble être une bonne idée, encore faut-il le « fabriquer » sous une forme exploitable. Il existe plusieurs « couleurs d’hydrogène » en fonction de son origine.

Les couleurs de l'hydrogène

L'hydrogène gris est produit à partir des énergies fossiles avec de fortes émissions de gaz à effet de serre (GES).

L'hydrogène bleu est lui aussi produit à partir des énergies fossiles avec de fortes émissions de GES, mais le CO2 produit est récupéré et enfoui. Il n'existe pas de production à grande échelle actuellement, seulement quelques sites de test.

L’hydrogène jaune est produit par électrolyse de l’eau à partir d’énergie électrique issue de centrales nucléaires. C’est une piste pour décarboner, mais le combustible n’est pas renouvelable et produit des déchets à longue durée de vie.

L’hydrogène vert est produit par électrolyse de l’eau, à partir d’énergie renouvelable comme l’hydroélectricité, les éoliennes… C’est l’hydrogène « propre », mais les quantités produites seront-elles suffisantes pour toutes les utilisations envisagées ?

Une fois le gaz hydrogène produit, il ne reste « plus qu’à » le compresser et le distribuer avant son utilisation.

Similaire à un bloc fonctionnant au GNR, ce moteur à explosion proposé par JCB carbure à l’hydrogène. ( © J.M.)

 

Son utilisation

Pour utiliser cette énergie, deux solutions existent. La plus répandue à ce jour consiste à lui associer une pile à combustible. Celle-ci utilise l’hydrogène et l’oxygène comme combustibles, qu'elle transforme directement en électricité, en eau et en chaleur. Cette technologie est envisagée par de nombreux constructeurs automobiles (Toyota, Renault, Stellantis). C’est aussi celle qu'a proposée Fendt en avril dernier sur son prototype à hydrogène, le Fendt H2.  Arguant que cette solution est complexe à maîtriser dans un environnement comme celui des champs (poussières, chaleur…), d’autres constructeurs se tournent vers un moteur à explosion dont le carburant serait de l’hydrogène. JCB, en particulier, a présenté cette technologie fin 2022. La start-up anglaise Atomictractor Ltd. propose même une motorisation hybride utilisant un carburant hydrogène dans une pile à combustible alimentant des batteries afin d'obtenir une surpuissance au moment opportun dans les parcelles. Campbell Scott, le fondateur de l’entreprise, annonce être en cours de prototypage pour des tests au champ dès 2024.

Ce dessin réalisé par ordinateur représente un prototype de tracteur, baptisé « E20 », imaginé par Atomictractor. Ce concept hybride regroupe une batterie et une pile à combustible. ( © Atomictractor)

L’hydrogène promet donc d’être au cœur de développements dans les prochaines années pour des véhicules de plus forte puissance. Toutefois, si faire le plein d’hydrogène est bien plus rapide que de recharger une batterie, il faudra créer une filière de distribution la plus propre possible pour ne pas décarboner uniquement l’utilisation finale, mais bien l’ensemble de la chaîne de valeur énergétique.

Méthane, le biogaz sous pression

Le méthane est une autre piste, prise au sérieux depuis 2006 par le constructeur italien New Holland avec son T6.180 Methane Power et, plus récemment, avec la présentation d’une future version plus puissante baptisée « T7.270 Methane Power ». La marque propose de série des tracteurs fonctionnant avec ce biogaz. L’avantage de cette source d'énergie réside dans la possibilité pour les agriculteurs disposant d'un méthaniseur de la produire directement sur leur exploitation dans l’objectif d’être autosuffisants. Le biogaz produit et stocké peut ensuite être réutilisé dans les tracteurs et d’autres véhicules compatibles. L’argument environnemental du méthane est également important. En effet, selon Nicolas Morel, responsable des carburants alternatifs chez New Holland, la réduction de l’empreinte carbone d'un tracteur peut atteindre 11 % avec un gaz naturel fossile, 81 % avec un biométhane et –180 % avec un biométhane issu d’effluents d’élevage, par rapport à un modèle de même puissance à motorisation diesel. L'autre atout majeur du méthane repose sur sa capacité à être stocké sous pression, offrant ainsi une autonomie accrue.

La station de biométhane à la ferme (Prodeval) permet d'alimenter le tracteur New Holland T6.180 Methane Power via la méthanisation présente sur l'exploitation. ( © H.E.)

B100, le colza à la rescousse !

Le B100 est un carburant composé à 100 % d’esters méthyliques d’acides gras, lequel a fait l’objet d’une définition et d’une normalisation au niveau européen. Produit à partir de colza, le B100 est composé à 100 % de colza. Il représente la seule alternative aux carburants fossiles capable d’offrir une autonomie équivalente à celle du gazole. Son bilan carbone global, « du champ à la roue », met en évidence une réduction des émissions de GES jusqu’à 60 % par rapport au gazole. Il permet également de réduire jusqu’à 80 % les émissions de particules fines.

HVO, quèsaco ?

Sur le papier, ce carburant a tout pour plaire. Le HVO ou hydrotreated vegetable oil (huile végétale hydrotraitée) est aussi parfois appelé « diesel XTL ». C’est un gazole paraffinique de synthèse, certifié durable, fabriqué à partir d’huiles végétales durables ou du retraitement de déchets (graisses animales, huiles de cuisson, huiles résiduelles, etc.). Ce biocarburant est compatible avec tous les moteurs diesels existants et ne nécessite aucune modification des véhicules ou infrastructures de distribution. Il est miscible avec le diesel actuel et permettrait de réduire les émissions de GES jusqu'à 90 %. Toutefois, la quantité produite reste faible au niveau mondial, et son coût est de deux à trois fois plus élevé que celui du GNR actuel.

L'avenir s'écrira-t-il avec ou sans diesel ?

Tout d’abord, gardons à l’esprit que les économies d’énergie doivent être une priorité. En effet, l’énergie non utilisée ne génère pas de rejets, il est donc inutile de décarboner par la suite. Une piste à creuser serait d’alléger les machines pour que celles-ci consomment moins d’énergie, à l’image des robots électriques de petite taille travaillant en essaim. D’une manière plus générale, les chaînes d’approvisionnement en électricité, en hydrogène, en HVO… ne sont pas prêtes. Les technologies doivent encore devenir matures, et ce, en deux fois moins de temps que ne l’ont été les évolutions des normes des moteurs diesels. La fin de cette réglementation antipollution pour protéger nos marchés fait courir le risque d’ouvrir la voie à une concurrence extra-européenne à très court terme. Le débat ne fait que commencer. Sachons encore une fois faire de cette contrainte une opportunité.

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