Dans les lacets montagneux de la Drôme, on croirait entendre au loin un avion survoler les gorges. C’est en réalité un tracteur, mais pas n’importe lequel : un Fiatagri 80-90 DT de 1985. Son quatre-cylindres rugit librement via une ligne d’échappement en inox. À son volant, Thibault Bourdi, fils d’éleveur en agriculture biologique et chauffeur de tracteur dans les travaux publics. La ferme familiale de 70 ha en zone de montagne comprend 30 vaches laitières. Le jeune agriculteur effectue également de la prestation de service en fenaison. « Mon père a toujours aimé les Fiat. Il avait un 980 DT, la génération ayant précédé la série 90, raconte Thibault Bourdi. Nous avons acquis le 80-90 DT grâce au bouche-à-oreille. Ça n’a pas été évident de l’avoir, car il y avait déjà beaucoup de demandes à ce moment-là. »

Acheté en 2014, le youngtimer de première main comptait alors 1 800 heures au compteur. « Il était très propre, que ce soit mécaniquement ou esthétiquement, note l’exploitant. Il avait même ses pneumatiques d’origine, que nous avons dû changer par la suite après un éclatement dans les pentes. » À l’heure actuelle, le Fiat 80-90 DT effectue environ 200 heures par an, majoritairement avec un andaineur et au transport, et compte à ce jour 5 300 heures de travail.

Un quatre-cylindres atmosphérique
À la sortie de sa gamme 90, en 1984, Fiatagri met en avant le confort. En effet, le constructeur italien, alors numéro un des ventes de tracteurs en Europe, dote cette série de moyenne puissance des innovations présentes sur les modèles plus puissants. Le conducteur bénéficie ainsi d’un niveau sonore réduit en cabine (moins de 81 dB[A]) grâce à une bonne étanchéité et à un montage sur silentblocs limitant les vibrations et le bruit.

Le modèle 80-90 de notre agriculteur drômois est motorisé par un quatre-cylindres atmosphérique Fiat Iveco de 3,9 L de cylindrée. Il développe 80 ch au régime nominal de 2 500 tr/min et 266 Nm à 1 500 tr/min. Pour gagner en performance, environ 15 ch, l’exploitant a monté une ligne inox et lui a donné de l’avance à la pompe d’injection. « Étant donné que c’est un moteur atmosphérique, il faut anticiper et ne pas le laisser perdre en régime moteur, note Thibault Bourdi. En dessous de 1 500 tr/min, il faut descendre d’un rapport, sinon il s’étouffe, car il n’y a pas de turbo pour compenser. »

Le youngtimer consomme peu de GNR, approximativement 15 L/h au transport en zone montagneuse et 7 L/h à l’andaineur. Son propriétaire apprécie le quatre-cylindres refroidi par eau pour sa fiabilité et l’absence d’électronique. « Le moteur ne présente aucune fuite, se satisfait l’agriculteur. Même si sa vidange est conseillée toutes les 500 heures, je l’anticipe en la réalisant tous les ans, car le tracteur fait seulement 200 heures chaque année. »

De l’orange au terracotta
La série 90 inaugure la couleur rouge brique, aussi appelée « terracotta » (terre cuite, en italien). Cette période marque également l’abandon définitif de la couleur orange et de la marque Someca, utilisée par Fiatagri pour distribuer ses tracteurs en France. Disponible en deux et quatre roues motrices (DT), le Fiat 80-90 succède au Fiat 780. Si le design général évolue peu, c'est du côté du moteur et de la transmission que les changements s’opèrent. Le tracteur compte ainsi trois gammes et quatre vitesses, avec un inverseur mécanique situé à gauche de l’utilisateur, au sol. Cette boîte dispose d’un bon recroisement, la première vitesse de chaque gamme étant plus lente que la quatrième de la gamme précédente.

Une transmission « Hi-Lo », non présente sur le tracteur de l'agriculteur drômois, était par ailleurs proposée par l'Italien. Celle-ci bénéficiait d’un rapport sous charge réduisant de 14 % la vitesse d’avancement grâce à une impulsion à gauche ou à droite sur le levier d’inverseur. Le tracteur pouvait également profiter d’une transmission atteignant les 40 km/h. Dans cette configuration, les roues avant se voyaient ajouter un freinage à disques. Si cette option de vitesse n’était pas disponible en France, le freinage à l’avant était néanmoins proposé pour les versions limitées à 30 km/h. Du côté du pont avant, Fiatagri mettait en avant l’angle de braquage important, de 50°, pour une bonne maniabilité, ainsi que le dispositif « No-Spin » de blocage-déblocage automatique du différentiel central.

Pas d’électronique, mais des options bienvenues
Malgré sa conception simple, le 80-90 dispose d’innovations notables ne nécessitant pas d’électronique. Par exemple, le relevage arrière est équipé d’un système de câbles permettant de le lever et de le baisser par une simple impulsion sur un bouton-poussoir. L’agriculteur peut également mémoriser une position de relevage. La vitesse de descente est réglable via une molette située sous le siège.

Enfin, le youngtimer dispose d’un contrôle d’effort mécanique, fonctionnant à l’aide d’une barre de flexion. Située sur les bras inférieurs du relevage, celle-ci permet d’augmenter ou de diminuer la sensibilité du relevage, via un vérin, en fonction des conditions de travail.

La capacité maximale du relevage arrière atteint 3 500 kg. Du côté de l’hydraulique, le tracteur est équipé d’une pompe à engrenage (à centre ouvert) débitant 34,5 L/min. Cette pompe alimente deux distributeurs à double effet et un troisième à simple effet.
« Les tracteurs de la série 90 sont dotés d’une mécanique simple et robuste, avec un bruit sympathique, d'une puissance suffisante et d'une belle esthétique, conclut Thibault Bourdi. J’ai de nombreuses demandes de rachat, mais pour rien au monde je ne m’en séparerais ! Si tout va bien et qu’il demeure bien entretenu, il passera ensuite à mon fils ou à ma fille sans souci. » Prochain objectif pour le Drômois : acquérir un 180-90, le plus gros tracteur de la gamme, pour y atteler un groupe de fauche de 9 m.
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