Aujourd’hui, Patrice Pécheul peut souffler un peu. La quantité de travail à abattre sur son exploitation de polyculture-élevage d’Éréac, dans les Côtes-d’Armor, l’inquiète moins qu’il y a quelques mois. L'agriculteur a recruté un deuxième salarié et a largement automatisé la conduite de son élevage. Dès son installation en 1993, la question de la maîtrise de la charge s’est posée. À l’époque, ce Gaec père-fils s’étendait sur 70 ha et menait un élevage de 32 vaches laitières en stabulation entravée. Le premier projet de Patrice Pécheul a donc été de le moderniser en déplaçant l’étable dans un nouveau bâtiment et de l’organiser selon un schéma plus actuel avec logettes et salle de traite. Cette première étape a d’emblée amélioré l’efficacité des tâches quotidiennes et le bien-être aux animaux. Quelques années plus tard, lorsqu’il a fallu anticiper le départ à la retraite du père et accompagner l’agrandissement de la ferme, c’est la solution du robot de traite Lely Astronaut qui a été choisie. Le premier est arrivé en 2008, et le second en 2010. « En plus de nous avoir fait gagner l’équivalent d’un mi-temps en main-d’œuvre, ces deux machines nous ont apporté une souplesse dans l’organisation du travail. Ne plus être bridés sur l’exploitation par les heures fixes de la traite permet de prendre des responsabilités professionnelles à l’extérieur, d’amener ses enfants à l’école et même de consacrer un dimanche à la famille. En revanche, il faut accepter les contraintes des alarmes et d’être réveillé en pleine nuit », témoigne Patrice Pécheul. En outre, sur un plan plus qualitatif, l’agriculteur a apprécié l’effet positif de l’augmentation du nombre de traites sur la production laitière.
Le choix de l’automatisation
Il y a deux ans, lorsque la nécessité de renouveler l’ensemble tracteur-remorque mélangeuse et d’agrandir le bâtiment d’élevage s’est fait sentir, cela a été l’occasion pour Patrice Pécheul de franchir un nouveau pas dans l’automatisation de son élevage. L'agriculteur a alors investi dans un système Trioliet Triomatic T40.
« Auparavant, nous utilisions un bol mélangeur à double vis Lucas G de 22 m3 qui était attelé à un tracteur de plus de 15 000 heures. L’alimentation nous réclamait chaque jour de deux à trois heures et parfois toute la matinée. Rien qu’à eux deux, le tracteur et le chargeur télescopique cumulaient un total de 1 100 heures à l’année. » Il est vrai qu’au fil des années l’exploitation a grandi. Aujourd’hui, elle compte 125 vaches laitières pour un total de 1,4 million de litres de quota et élève près de 140 génisses. Elle dispose également d’un atelier d’engraissement de porcs. Sa surface agricole utile totalise 217 ha, dont 76 ha de maïs et une vingtaine d’hectares de prairies permanentes sont valorisés en ensilage ou en foin pour l’alimentation des animaux. Le reste – notamment 80 ha de blé, ainsi que de l’avoine et des pois pour les semences – est commercialisé. Si les récoltes sont, pour la plupart, assurées par des entrepreneurs, les pointes de travail s’avèrent particulièrement intenses lors des semis. Mais l’option d’investir dans une mélangeuse automotrice a vite été écartée. « Nous aurions conservé la contrainte d'une alimentation à heures fixes des vaches », regrette Patrice Pécheul. En revanche, la souplesse apportée par le robot l’a séduit. « Le principe était de pouvoir passer au moins un week-end tranquille sans se préoccuper d'avoir à nourrir les vaches. »
Dans les faits, les réserves de la machine sont suffisamment dimensionnées pour tenir trois jours sans aucun réapprovisionnement. Le robot dispose en effet de quatre cellules à fond mouvant de 9 m de long, dans lequel l’éleveur peut charger avec son télescopique des ensilages de maïs et d’herbe, ou du foin. En fonction des rations programmées, un chariot équipé de lames rotatives découpe les quantités voulues. « L’avantage de ce système est de ne pas détasser l’ensilage », se félicite l’éleveur. Les fourrages sont ensuite chargés automatiquement dans le bol où ils peuvent être mélangés et additionnés de différents minéraux ou aliments stockés dans des silos extérieurs.
Tout est optimisé pour faciliter le travail et éviter que les fourrages ne s’abîment. Les réserves d’ensilages sont placées à peu de distance des cellules. Un coupe-silo porté par le chargeur télescopique prépare des parallélépipèdes aux arêtes bien franches. Le tas garde ainsi un front bien net, et la matière peut rester plusieurs jours sans risque d'échauffement.
Des vaches moins stressées
Le bol s’alimente en courant triphasé à la manière d’un tramway grâce à un rail suspendu parcourant l’étable. Il dispose ainsi d'assez d’énergie pour assurer le mélange, se déplacer et distribuer ou repousser le fourrage au plus près des cornadis. Dans son parcours, il peut alimenter quatre lots : les vaches laitières, des génisses, des bêtes en préparation au vêlage ou taries. Chaque tête a droit à sa ration spécifique et peut être servie jusqu’à huit fois par jour. Au choix, l’éleveur programme les rations grâce à l’écran tactile du bol, depuis son ordinateur de bureau ou à partir d’une application pour smartphone. « Le but est de prévoir de plus petites quantités apportées 24 heures sur 24. L’été, lorsqu’il fait chaud, il est ainsi possible d’en distribuer davantage la nuit. » Le robot se déplace lentement sans bruit en effectuant des mouvements prévisibles. Les vaches ne paraissent aucunement s’en inquiéter.
Quand il s’approche, elles viennent tranquillement glisser leur tête dans le cornadis. L’investissement portant sur le bol, l’infrastructure de stockage et de préparation des fourrages, et le coupe-silo s’est monté à 230 000 €. Un budget additionnel de 30 000 € a été nécessaire pour adapter le bâtiment. En retour, Patrice Pécheul a déjà pu apprécier des gains en production laitière. L’alimentation délivrée régulièrement semble produire des effets positifs sur l’efficience du fourrage et sur la diminution du stress des animaux. L'agriculteur a aussi pu comptabiliser une économie de 850 heures de fonctionnement du chargeur télescopique. Mais, pour lui, le principal gain est probablement à trouver du côté du poste « main-d’œuvre ». « En plus d’économiser un équivalent temps grâce aux robots de traite et d’alimentation, nous sommes parvenus à alléger les astreintes des samedis et dimanches, et à mettre en place, avec les salariés, une organisation du travail alternant des grosses semaines de 44 heures avec des plus légères de 34 heures. Cela leur permet de terminer le vendredi midi et de reprendre le mardi. Offrir de bonnes conditions de travail est important pour attirer des salariés. »