N’ayons pas peur des mots. Nos voisins allemands sont très friands des machines de manutention à châssis articulé, tandis que nous, les Français, le sommes moins. Attention, je ne jette la pierre à personne. Avant d’avoir pris moi-même le volant d’une machine similaire, j’étais sceptique quant à la stabilité d’une chargeuse articulée à bras télescopique. Porter une lourde charge en hauteur et « casser » le châssis pour tourner donne parfois des guilis au ventre ! Mais après quelques heures de conduite, la confiance et les performances sont bien là.

Claas, via son partenariat avec Liebherr pour la fabrication de ses matériels de manutention, propose depuis peu ce type de machine avec la Torion 738 T, une chargeuse à bras télescopique d’un poids opérationnel de 7 t. Celle-ci se distingue par une double direction nommée « Sinus ». Le but ? Diminuer l’angle de braquage, permettant ainsi d’augmenter la stabilité et, au passage, la capacité de charge. Comment ? En remplaçant l’essieu fixe à l'arrière par un pont directeur relié à l’articulation du châssis.

Le constructeur annonce une charge de basculement de 3,8 t avec les roues et le châssis braqués, et de 4,3 t lorsque ce dernier reste droit. Pour en avoir le cœur net, nous avons pris les commandes de cette chargeuse de 73 ch le temps d’une journée, sur une exploitation en polyculture-élevage située dans la Haute-Saône. Au programme, alimentation du digesteur de la méthanisation et chargement de digestat solide au champ pour son épandage.

Une cabine sobre
L’accès en cabine se fait à l’aide de deux marchepieds sécurisés par des poignées et uniquement du côté gauche de la Torion. À bord, je m’installe sur le siège à suspension mécanique muni d’un appuie-tête et d’un accoudoir réglable à droite au bout duquel prend place le joystick. La colonne de direction s’ajuste par une pédale au plancher, basculant ainsi le volant à ma guise.

Malgré la faible profondeur de la cabine à quatre montants, je me sens très à l’aise. Les deux pédales, réparties de part et d’autre de la colonne de direction et légèrement inclinées vers l’intérieur, favorisent le bon contrôle de l’avancement à l’aide des pieds. Une fois la clé de contact tournée au niveau de la console de droite, il est regrettable de devoir attendre plusieurs secondes avant que le terminal ne s’allume pour, enfin, démarrer le moteur. Le temps que la mécanique chauffe, j’en profite pour naviguer dans l’écran tactile. Fixé au montant avant droit, ce dernier regroupe les informations et les réglages de la partie hydraulique.

Le menu principal apporte un grand nombre d’éléments (voir partie technique). Pour apprivoiser la Torion 738 T Sinus, je commence par repousser le digestat tombé sous le séparateur de phases. La visibilité générale depuis la cabine est bonne, et la conduite est rendue souple grâce à la transmission hydrostatique. Le joystick pilote des distributeurs proportionnels permettant des mouvements précis lors de mon approche près du mur.

L’inversion du sens de marche se contrôle par un interrupteur placé derrière le joystick, à l’aide de l’index. Il me suffit d’accélérer au pied pour avancer, tandis que la pédale de gauche facilite les manœuvres d’approche et freine la Torion par un appui plus marqué. Après avoir remonté le tas de digestat, je rejoins les agriculteurs au champ, situé à une dizaine de kilomètres, sur un chantier d’épandage. J’en profite pour activer la suspension de flèche en mode automatique depuis la console de droite. Un pictogramme au terminal m’indique la validation de ce paramètre.

Une force de poussée notable
La transmission compte deux gammes à passage automatique. Elle me permet de rouler à 40 km/h une fois la Torion lancée. Sur le parcours vallonné, la chargeuse peine quelque peu dans les montées et pèche par un manque de puissance moteur. Arrivé dans la parcelle, je passe en gamme tortue, limitée à 20 km/h et schématisée au terminal par le code « G1 ». Un pictogramme aurait été plus explicite. La machine dispose d’une transmission intégrale permanente et d’un blocage de différentiel à glissement limité au niveau du pont avant. Je suis bluffé par sa capacité à pousser le tas pour charger le godet malgré ses roues de 20 pouces et son moteur relativement peu puissant. Je regrette le temps nécessaire à la sortie de la flèche pour charger l’épandeur.

Notre machine d’essai était équipée de la petite pompe à engrenage débitant 93 L/min. L’optionnel modèle de 124 L/min devrait la rendre plus véloce. Après plusieurs godets, je limite le débit du bennage depuis le terminal, trop brusque à mon goût. Le chargement de l’épandeur au champ me donne la possibilité d’apprécier la stabilité annoncée par la marque allemande. Pour le suivi du sol, l’articulation centrale offre une oscillation entre les deux ponts. La direction de l’essieu arrière limite le braquage du châssis articulé pour manœuvrer du tas vers l’épandeur. Cela me permet de commencer la levée de la flèche bien avant d’atteindre la caisse de l’épandeur, sans crainte que la machine ne tangue trop. Ma main droite gère l’intégralité des fonctions de la flèche.

La partie supérieure du petit levier en croix m’autorise à ouvrir la pince tout en bennant l’outil. Après plusieurs épandeurs chargés, je me sens à l’aise et en toute sécurité pour ce travail sur un sol meuble.
On a aimé
- La prise en main instantanée.
- La stabilité de la machine.
- La visibilité panoramique offerte par la position haute du poste de conduite.
On a moins aimé
- Le manque de puissance et de débit hydraulique.
- Le démarrage long du terminal.
- L'affichage lièvre/tortue peu explicite.