Cela ne vous aura peut-être pas échappé, je suis souvent préposé aux essais des chargeuses articulées à bras télescopique au sein de la rédaction du magazine. Mais, cette fois-ci, c’est une machine un peu différente que je vais prendre en main. Il s’agit de la Kramer KL 35.8 T. Contrairement à ses concurrentes, celle-ci ne dispose pas d’articulation centrale. Au lieu de cela, elle intègre un châssis rigide d’une seule pièce, monté sur deux essieux moteurs et directeurs. Je me lance donc dans cet essai avec un type de machine que je n’ai jamais conduit. Mais avant d’en prendre les commandes, j’écoute avec attention la présentation qui en est faite par le démonstrateur de la marque en France, Christian Delbecque. Nous sommes ici en présence d’une chargeuse de la série 8, le haut de gamme chez Kramer. En effet, la cabine comporte deux portes, et le joystick est monté sur l’accoudoir, lui-même solidaire du siège. En comparaison, la série 5, plus simple et plutôt destinée au marché des travaux publics, ne compte qu’une porte, à gauche, et un joystick fixe, sur la console latérale. Cette chargeuse profite d’une charge de basculement de 3,5 t lorsque ses roues sont braquées. Il faut cependant nuancer cette valeur en fonction du type de terrain rencontré. Christian Delbecque m’assure qu’il est plus raisonnable de miser sur une charge utile de 3 t. Celui-ci m’expose ensuite les avantages du châssis rigide.

La stabilité en ligne de mire
Le centre de gravité, d'abord, ne se déplace pas lors du braquage, contrairement à une machine articulée, ce qui évite donc de déstabiliser la chargeuse avec une forte charge à l’avant. Ensuite, la Kramer ne connaît pas de perte de sa capacité de charge, là encore en raison de son châssis fixe, puisque le poids de son moteur et de sa masse arrière demeure toujours dans l’alignement de la flèche. Enfin, selon le constructeur, les quatre roues directrices offrent un rayon de braquage plus faible que celui d'une chargeuse articulée de même gabarit. Sur le papier, cette KL 35.8 T semble donc prometteuse. Du côté de sa mécanique, que des composants connus : le bloc Deutz AG de 3,6 L développe ici 100 ch. Cette motorisation optionnelle remplace la dotation de série, un moteur de 2,9 L et 75 ch. Le circuit hydraulique standard délivre 90 L/min d’huile à une pression de 160 bar. Là encore, la machine de démonstration profite d’une option plus généreuse, soit 120 L/min. Puisque l’on parle des équipements optionnels, notons la présence du graissage centralisé automatique, capable d’alimenter tous les axes, y compris ceux du tablier porte-outil, au bout de la flèche télescopique. La chargeuse embarque aussi la transmission hydrostatique Eco Speed 40 km/h, contre 25 km/h de série. La seule case qu’elle ne coche pas est celle de la connexion automatique des flexibles de la troisième fonction, lors de l’attelage du godet. Évidemment, le verrouillage du tablier est hydraulique et se commande depuis le poste de conduite. C’est à ce dernier que je m’installe à présent. À bord, je ne suis pas surpris. Je retrouve les commandes clairement ordonnées, tout comme c’était le cas dans le télescopique Kramer que nous avions essayé l’été dernier.

Les conducteurs de télescos ne seront pas perdus
D’ailleurs, plusieurs éléments sont communs, à l’image du sélecteur de mode de direction, permettant de choisir entre deux ou quatre roues directrices, et la marche en crabe. Deux petits leviers permettent d’ajuster le régime moteur, pour les outils nécessitant un débit hydraulique constant, et la vitesse d’avancement, en mode « tortue ». Pour les autres travaux, il faut rester sur le mode « lièvre ». Le constructeur a jugé plus prudent d’imposer le passage en deux roues directrices pour atteindre 40 km/h, la machine étant sinon limitée à 30 km/h. Les interrupteurs répondent à une logique de plus en plus généralisée, avec du gris pour les fonctions électriques, du vert pour l’hydraulique et du bleu pour la direction. Kramer équipe cette chargeuse d’un ventilateur réversible, commandé depuis la cabine. Alors que nous terminons le tour du propriétaire, mes collègues me font signe qu’ils ont besoin de charger une benne de fumier pour les essais de tracteurs qu’ils sont en train de réaliser. Je m’installe donc au volant de la KL 35.8 T et me dirige dans un champ tout proche. Dès les premiers godets, je regrette le manque d’adhérence dû aux pneus à profil industriel équipant cette chargeuse de démonstration. Bien évidemment, des profils agraires figurent au catalogue. Après quelques exercices de patinage artistique à faire pâlir les athlètes olympiques, je parviens à positionner la machine sur un sol plus meuble et commence enfin à apprécier ses capacités.

Coupleuse et volontaire
Je dois dire que, lorsqu’il s’agit de « taper dans le tas », la transmission répond présent. Elle offre également une réactivité appréciable lors des manœuvres. Sur ce point, la chargeuse Kramer ne s’avère pas tellement différente des machines articulées. Malgré tout, un détail me chagrine. Les imposants garde-boue fixes à l’avant, dissimulant le réservoir de GNR, ne permettent pas de bien voir les roues depuis le poste de conduite. Ainsi, à l’arrêt, impossible de savoir si ces dernières sont braquées. Cela donne lieu à quelques surprises lors de l’inversion du sens de marche. À l’approche de la benne, je lève prudemment le bras télescopique au bout duquel le godet de fumier est bien plein. La largeur limitée de la chargeuse, de 1,92 m, combinée à la hauteur de la charge donne une sensation de tangage plutôt impressionnante, du moins au début. Ne me voyant pas franchement rassuré, le démonstrateur vient à mon secours en me conseillant de lever le bras au maximum afin de rapprocher de la machine le poids du godet. Si cela paraît complètement illogique de prime abord – le premier réflexe étant plutôt de baisser le bras –, la stabilité s’en trouve finalement améliorée. Après quelques godets, je parviens enfin à convaincre mon esprit que je ne garerai pas la chargeuse sur le rétroviseur, et j’éprouve alors de la confiance à son volant. Malgré sa bonne aptitude au tangage, la KL 35.8 T ne franchit jamais la limite du raisonnable. Je pense que, avec des pneus agraires plus larges, j’aurais sans doute moins ressenti ce mouvement.

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Lumière, moteur, ça tourne !
Une fois la benne chargée, je repars en direction de la ferme. Ce court trajet routier est l’occasion de tester la vitesse de pointe. Après avoir sélectionné le mode deux roues directrices, j’enfonce la pédale de droite, et la machine ne tarde pas à atteindre les 40 km/h, bien aidée par sa motorisation de 100 ch. Dans la stabulation, je prends la suite du curage, entamé le matin par Henri, mon collègue journaliste, au volant du Claas Arion 450. Là encore, la Kramer n’éprouve pas de difficulté majeure. Comme dans le télescopique de la marque, j’apprécie la simplicité de prise en main de cette machine. Son important débit hydraulique rend les mouvements rapides. Le réglage de débit de la troisième fonction se montre particulièrement utile, afin de ne pas trop violenter le grappin du godet multifonction. En fin de journée, je teste l’éclairage à LED à 360°. Cette option est vraiment appréciable lors des manœuvres dans les recoins. Elle m’évite de rayer la peinture contre les poteaux du bâtiment. Contrairement à une machine articulée, il faut garder en tête que le porte-à-faux arrière demeure toujours dans l’alignement de l’avant. Je dois donc faire attention à ne pas braquer trop fort lorsque j’avance le long d’un mur. Finalement, je termine cet essai au crépuscule d’une journée bien remplie, avec la découverte d’une machine unique en son genre.
